À la croisée des ponts

L’histoire des ponts remonte à l’Antiquité.

La construction du pont du Gard témoigne de la virtuosité des ingénieurs romains qui maîtrisaient déjà les contraintes techniques et architecturales. L’apport des maîtres d’œuvre du Moyen Âge est également considérable, notamment en ce qui concerne la conception des arches de grande ouverture.

Les chantiers entrepris l’été lorsque les cours d’eau sont à leur plus bas niveau, sont délicats et onéreux.

Les gros travaux s’étirent donc sur plusieurs années et les conditions de travail s’avèrent extrêmement pénibles pour les ouvriers contraints par le temps et tenus de travailler jusqu’à 16 heures par jour.

Les pluies abondantes de l’automne entraînent souvent par ailleurs des destructions obligeant à des reconstructions partielles. C’est le cas du pont de Quissac mais également du pont romain de Sommières soumis à des vidourlades récurrentes.

La fondation de l’École royale des Ponts-et-Chaussées à l’initiative de Trudaine en 1747, permet de mettre en place une formation spécifique pour les ingénieurs.

Ils y reçoivent un enseignement théorique et une formation pratique qui en font les principaux responsables des travaux publics. Le XVIIIème siècle voit aussi la professionnalisation des corps de métier et le développement des ouvrages d’art. Les ponts bâtis pour durer ont ainsi traversé les siècles, témoignant par là des véritables prouesses techniques des différents ingénieurs qui se sont succédés pour les entretenir et les restaurer.

Le pont du Saint-Esprit

Il s’étire sur près de 900 mètres, jouvenceau sept fois centenaire. Enjambant le Rhône, il sert à la fois de passage et de frontière. La première pierre du pont est posée le 12 septembre 1265 sur la rive gauche au lieu-dit la Condamine. Le chantier s’étale sur 44 années au rythme d’une pile ou d’une arche par an. Le pont est d’emblée construit courbe pour renforcer sa résistance aux crues. Sa construction est quasiment finalisée le 27 septembre 1309. Le financement de sa construction a été assuré par des quêtes dans toute l’Europe ainsi que par de nombreux dons et legs.

L’argent récolté a tellement été important qu’il a même permis de financer des hospices et une chapelle. L’acquittement des frais d’entretien est garanti pour les siècles à venir grâce à la donation par le roi Philippe VI vers 1328 des droits de péages sur eau et sur terre perçus uniquement pour le transport du sel. Malgré les défenses de protection contre les crues avec les pallières, rangées de pieux de bois enfoncés dans le lit du fleuve, la violence régulière des crues fragilise cet édifice qu’il faut régulièrement entretenir et restaurer.

Il reste encore beaucoup à faire pour l’emprunter car le traverser avec des marchandises reste difficile. Il est élargi de deux mètres en 1861 pour permettre le croisement des chariots. Également conçu comme frontière, le pont est fortifié au fur et à mesure de l’avancée des travaux. Au total, cinq tours sont édifiées sur le pont devenu une véritable forteresse pouvant accueillir une garnison de trois cents hommes. Au cours des différents épisodes historiques qui secouent la région dont les guerres de Religion, le pont forme avec la citadelle une place militaire royale.

Dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, la citadelle est moins bien entretenue faute de moyens financiers et les travaux envisagés en 1767 ne seront finalement pas réalisés. Le rôle militaire de la citadelle se restreint entre le XIXème et le XXème siècle. Les fossés sont comblés et les bastions sont détruits. La circulation routière s’amplifiant, la municipalité construit une déviation et un nouveau pont en amont du fleuve. Envisagé dès 1978, le projet voit le jour en 1994. L’ancien pont a été classé monument historique en 1966.