L’identité gardoise à travers la presse locale (1842-2005)



L’essor de la presse provinciale

Très peu développée sous la Restauration, la presse provinciale prend véritablement son essor sous la Monarchie de Juillet. Même si les tirages restent modestes en comparaison des tirages parisiens, cette croissance traduit l’intensification de la vie publique provinciale, marquée par le développement de l’instruction.

La presse provinciale souffre toutefois d’un manque d’investissement et de la raréfaction de rédacteurs de talent, qui lui préfèrent l’attractivité de la capitale. Les journalistes provinciaux exercent souvent une activité parallèle, avocat, professeur ou médecin et utilisent la presse locale pour se faire une renommée et tenter une percée politique. Les journaux proposés sont ainsi essentiellement politiques d’abord avant de s’ouvrir à la vie économique, industrielle, littéraire ou artistique.


La naissance de la presse agricole et industrielle

Les classes ouvrières comprennent vite l’utilité de la presse locale pour diffuser leurs revendications au patronat. De nombreux journaux économiques et ouvriers voient alors le jour dans la deuxième moitié du XIXe siècle et perdurent au cours du XXe siècle. Le Patriote (années 1880), Le Travailleur du Languedoc (années 1920), Le Réveil des cheminots (années 1930), Le Phare du mineur (années 1960), sont autant de journaux gardois qui ont vocation à porter les revendications des travailleurs issus du monde agricole ou industriel.

Fermetures de mines, crises vigneronnes, revendications salariales, rassemblements populaires, luttes ouvrières, accords syndicaux sont sources d’articles alimentant la presse locale gardoise sous la IIIe République.

L’émergence de cette presse militante coïncide d’ailleurs avec la naissance du syndicalisme. En France, c'est la loi Waldeck-Rousseau de 1884 qui a autorisé la création de syndicats. Par la suite, le Congrès national corporatif de Limoges du 23 septembre 1895 donne naissance à la Confédération générale du travail (CGT) avec pour objectif la mise en place d’une organisation visant à unifier les différents mouvements ouvriers. La Charte d’Amiens en 1906 vient tracer les grandes directives de la CGT, à savoir la lutte des classes, les combats pour l’amélioration du niveau de vie ou encore l’indépendance du syndicat face aux différents partis politiques, réclamations sans cesse relayées par la presse locale de l’époque.


L’émergence d’une presse culturelle et sportive

⇒ La culture taurine, spécificité gardoise

Plus qu’un épiphénomène, la culture taurine fait partie intégrante de l’identité gardoise. De la Camargue aux férias de Nîmes et d’Alès, elle constitue une tradition spécifique dont la presse locale s’emparait déjà au siècle dernier.

Parmi les différents journaux consacrés à la tauromachie, on peut citer Midi-Toros, revue tauromachique publiée hebdomadairement en été et mensuellement en hiver. On y trouvait déjà les composants actuels de la tauromachie, le culte du toréador et du taureau notamment, ainsi que toute l’économie liée à la culture taurine, tel l’élevage de taureaux et de chevaux camarguais.

Enracinée dans un terroir, la culture taurine symbolise à elle seule un art de vivre propre au Sud.

⇒ La ferveur sportive

Dès ses débuts, la presse sportive a connu beaucoup de succès. A la fin du XIXe siècle, le vélo était le sport à la mode. Le sport automobile est également ancien. L’athlétisme, le rugby ou encore le football se démocratisent davantage après 1914. Après guerre, le football devient le centre de tous les intérêts et les parutions journalistiques autour du ballon rond éclipsent littéralement les autres événements sportifs. Après 1939-1945, les journaux footballistiques gardois et locaux se multiplient tel Allez Nîmes, journal des supporters du club Nîmes Olympique. Depuis les parutions locales exclusivement sportives ont laissé place à des chroniques sportives faisant souvent l’objet d’un supplément dans des quotidiens comme le Midi Libre.


La presse locale, propagande des identités territoriales

La presse locale partisane des identités culturelles se veut fédératrice. Les lecteurs y trouvent une appartenance commune à des valeurs, une langue, un territoire. Le journal est alors imprégné de son territoire. Son logo et ses couleurs sont facilement repérables. Le journal porteur d’identité locale joue sur le rapport affectif qu’entretient le lecteur avec son territoire et sa région. L’information régionale voire locale constitue la marque évidente d’une revendication croissante de régionalisme. La résistance linguistique s’observe aussi à travers des quotidiens tels Vivo Prouvènço ! ou plus récemment Lutte Occitane.