Le Grau-du-Roi : un hameau devenu commune

Spécifique au Languedoc, le terme de « grau » désignait l’embouchure d’une rivière ou un chenal faisant communiquer les étangs avec la mer. Le nom complet fait référence à l’action menée par les rois de France, depuis Saint Louis, autour du port d’Aigues-Mortes et aux droits qu’ils possédaient sur de nombreux terrains et marais dans cette région.

=> Une première demande d’indépendance

Au milieu du XIXe siècle, Le Grau-du-Roi est un hameau de pêcheurs dans la commune d’Aigues-Mortes. Dès le milieu du XIXe siècle, ses habitants avaient sollicité l’érection en commune, arguant des difficultés matérielles rencontrées dans leur vie quotidienne.

En 1853, une première demande est rejetée par le préfet. Motif : le village n’a aucune ressource propre ; l’évêque de Nîmes va autoriser la construction d’une église succursale de celle d’Aigues-Mortes ; un instituteur sera nommé sur place.

Illustrations (ci-dessus) : Courrier du maire d'Aigues-Mortes adressé au préfet du Gard (3 janvier 1853). Arch. dép. Gard : 1 M 430

Illustrations (ci-dessus) : Pétition des habitants du Grau-du-Roi (1853). Arch. dép. Gard : 1 M 430.


=> Une seconde tentative

La même demande est réitérée en 1871. Il fallut alors aller contre le refus de la municipalité d’Aigues-Mortes puis parvenir à trouver un accord sur la délimitation du territoire cédé à la nouvelle commune. Les plus longues tractations ont concerné l’étang du Repausset qui fut finalement attribué au Grau-du-Roi. Les conditions financières furent âprement discutées : la commune d’Aigues-Mortes perdait une source de revenus. Elle obtint le versement d’une rente annuelle.

Illustrations (ci-dessus) : Courrier d’Amédée Rédarès, du Grau-du-Roi, adressé au préfet du Gard protestant contre les limites proposées par la commune d’Aigues-Mortes (25 octobre 1871). Arch. dép. Gard : 1 M 430.

Illustrations (ci-dessus) : Acte sous seing privé concernant le partage entre la commune d’Aigues-Mortes et celle du Grau-du-Roi (1er juin 1880). Arch. dép. Gard : 1 M 430.

Ce plan intitulé « Plan de la commune d’Aigues-Mortes » est le premier à représenter le territoire de la commune du Grau-du-Roi. La partie délimitée par le filet rouge est la portion du territoire qui devait être retirée à la commune d’Aigues-Mortes pour former la nouvelle commune du Grau-du-Roi. On peut remarquer l’importance de l’étang du Repausset. Sans lui, la commune du Grau n’aurait été « qu’une bande de sable le long de la mer ». Des mentions et des signatures montrent les différentes étapes de la procédure : mention en sous-titre de la délibération du Conseil général en date du 24 août 1875, signature du maire d’Aigues-Mortes le 19 février 1877, visa du préfet du Gard le 7 avril 1877, visa du président de la Chambre des députés (Gambetta) le 8 avril 1879, visa du président du Sénat (Martel) le 8 juillet 1879 et enfin certification du ministère de l’Intérieur. (Arch. dép. Gard : 1 M 430)

Le hameau du Grau-du-Roi a donc été érigé en commune par la loi du 19 juillet 1879. Les premières élections municipales ont eu lieu quelques mois après.

Illustration (ci-contre) : Courrier du ministère de l’Intérieur et des Cultes adressé au préfet du Gard informant de la promulgation de la loi distinguant la section du Grau-du-Roi de la commune d’Aigues-Mortes (25 juillet 1879). Arch.dép. Gard : 1 M 430.


=> La rive droite demande à son tour son autonomie

L’histoire bégayant parfois, en 1893, les habitants de la rive droite du Grau-du-Roi demandent à leur tour l’érection en commune de leur section, s’estimant « victimes de partialité et d’ostracisme volontaire dans la répartition des dépenses ». Après enquête, cette demande fut rejetée : les ressources propres de la section ne permettaient pas cette nouvelle partition.

Illustrations (ci-dessus) : Rapport et plans de l’inspecteur des contributions directes Baut sur la demande en érection de commune de la section de la rive droite du Grau-du-Roi (18 août 1894). Arch. dép. Gard : 1 M 430.


=> Un impressionnant développement

En 1909, la ligne de chemin de fer de Nîmes - Aigues-Mortes est prolongée jusqu’au Grau-du-Roi. Cela va considérablement favoriser le développement de la ville. C’est aussi pourquoi au XXe siècle, Le Grau-du-Roi connaît un essor économique grâce à la pêche et à l’activité balnéaire.

À partir des années soixante, la construction de Port-Camargue est menée par l’architecte Jean Balladur. C’est aujourd’hui un des premiers ports de plaisance d’Europe.

La juxtaposition de ces deux cartes postales, dont l’une date des années 1900 et l’autre des années 1970-1980 offre un raccourci de l’évolution de la commune du Grau-du-Roi au XXe siècle.

C’était au début du siècle un port de pêche et une station « balnéaire et climatique ». Dans les années 1900-1910, la commune développe cette dernière activité, suivant la mode des bains de mer. Les aménagements de la plage sont limités : les baigneurs sont rares. Ils « profitent surtout de l’air de la mer » et se protègent beaucoup du soleil.

Un demi-siècle plus tard, si la pêche fait encore partie de l’activité économique, la ville est devenue une station balnéaire, avec ses logements construits « en front de mer », et les baigneurs, nettement plus nombreux, profitent pleinement du soleil.