1936, les premiers congés payés

Bientôt les vacances estivales !

Alors que l’on profite (ou va bientôt profiter) des congés d’été, il faut se souvenir que ce n’est que depuis 1936 que les salariés bénéficient de "congés payés" obtenus, entre autres avantages sociaux, après la victoire aux élections du Front populaire.

En effet, lors des grèves de 1936, peu à peu la revendication pour un droit à des congés payés devient une revendication de premier plan. Au lendemain de sa nomination, le président du Conseil Léon Blum annonce, dans sa première allocution, le dépôt immédiat du projet de loi afin de mettre un terme à l’occupation des usines.

Au côté d'autres lois emblématiques du Front populaire (la semaine de quarante heures, les conventions collectives et la prolongation de la scolarité jusqu’à 14 ans), les congés payés figurent dans la série des textes à voter avant les vacances parlementaires. La Chambre des députés adopte le projet de loi sur les congés payés, le 11 juin 1936, par 563 voix pour et une contre. La loi est promulguée le 20 juin 1936 et les décrets d’application sont pris dès le 1er août.

Cela fait donc 80 ans que les Français profitent de congés payés. Au fil des ans le Grau-du-Roi connait une grande et remarquable évolution touristique. La commune gardoise devient alors une station attirant de plus en plus d’adeptes d’eau salée et d’air iodé.

L’espoir : les accords de Matignon

En effet, en mai 1936, les forces politiques de gauche, rassemblées dans un "front populaire" créé à l’initiative du communiste Maurice Thorez, remportent les élections législatives. Léon Blum, dirigeant de la SFIO, devient président du Conseil le 4 juin. Il forme un nouveau gouvernement composé de socialistes, de radicaux et de républicains socialistes, les communistes le soutenant de l’extérieur. Pour la première fois en France, trois femmes font leur entrée au gouvernement (alors qu’elles n’ont pas le droit de vote).

Dans un contexte politique et économique très difficile, cette victoire suscite un immense espoir chez les salariés et se met dès lors en place un vaste mouvement de revendications, qui se traduit notamment par des grèves et des occupations d’usines un peu partout en France.

Le 7 juin 1936 sont signés les "accords de Matignon", qui définissent le droit syndical et prévoient une hausse des salaires. Sont ensuite votées les lois instaurant les congés payés (deux semaines, soit douze jours et deux week-ends) et la semaine de 40 heures.

Les grèves et manifestations se poursuivent quelque temps, tandis que d’autres mesures sont prises au cours de l’été, comme le régime de retraite des mineurs voté le 29 juillet ou la création par Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État chargé de l'organisation des loisirs et des sports, du billet de train avec réduction pour congés annuels.

Dans le Gard, l’année 1936 a aussi été marquée par des changements politiques importants et par des grèves. La vie politique était en effet jusqu’alors caractérisée par une nette domination de la SFIO. Aux élections de mai 1936, les rapports de force évoluent et ce sont les communistes, dont l’influence était limitée antérieurement à la région alésienne, qui progressent le plus. Pour la première fois, le Gard compte en effet deux députés communistes : Fernand Valat et Auguste Béchard.

“Une atmosphère de fièvre”

C’est surtout la région de Nîmes et le sud du département qui sont ensuite touchés par les grèves. En effet, les compagnies minières et métallurgiques des bassins miniers autour d’Alès ont préféré, très vite, négocier avec les syndicats et accordent des augmentations et des avantages substantiels.

A Nîmes, les divers mouvements de grève atteignent leur paroxysme lors de la journée du 1er juillet : plus de 55 entreprises sont touchées. Des réunions se tiennent sans interruption à la bourse du travail, à partir de huit heures du matin : la première par les ouvriers et ouvrières en chaussures, la deuxième par toutes les corporations du bâtiment et la troisième par les transports. Dans l’après-midi, c’est au tour des employés de commerce et de l’alimentation, puis des garçons de café. Selon les rapports de police, “la situation paraît confuse et il est difficile de faire des pronostics. La ville vit dans une atmosphère de fièvre et dans tous les corps de métiers, la nervosité empêche toute discussion raisonnable et tout arbitrage.”

Des accords signés

Des accords sont finalement négociés au cas par cas, sur les bases du contenu des accords de Matignon, avec souvent l’implication des élus ou des représentants du Préfet.

Ainsi, à Beaucaire, les ouvriers de la Brasserie de la Meuse, après occupation des locaux, obtiennent les conditions suivantes : pour les femmes, 20 francs par jour et un litre de bière, pour les manœuvres 35 francs par jour et cinq litres de bière, pour les chauffeurs de camion, 40 francs par jour et cinq litres de bière.

Les ouvriers agricoles de la région se sont aussi mobilisés comme les soixante ouvriers agricoles du Mas Grand Cabanne à Fourques, qui ont obtenu notamment un salaire de 28 francs par jour et trois litres de vin (15 francs et un litre de vin pour les femmes), tandis que les propriétaires doivent veiller à leur "bien-être" (respect des heures de repos, mesures de protection pour les travaux malsains, nourriture abondante et comportant au moins un plat de viande par jour, fromage, fruits, pain et vin de bonne qualité).

La fin de l’année dans le Gard sera ensuite plus paisible, bien que marquée par les incidences de la guerre d’Espagne, avec l’arrivée à Nîmes des premiers réfugiés espagnols, d’Irun ou de Saint-Sébastien.