De l’ouverture des magasins le dimanche…

Quelques années avant le vote de la loi Sarrier du 13 juillet 1906 instaurant le repos dominical obligatoire de 24 heures pour les ouvriers et les employés de commerce, Nîmes accordait déjà une importance toute particulière au dimanche chômé.

Nîmes une des villes pionnières de France en termes de repos hebdomadaire

Un pasteur, Matthieu Lelièvre, s’intéresse à cette spécificité qui fait de Nîmes une des villes pionnières de France en termes de repos hebdomadaire.

Il rédige à cet effet un rapport à la fin du XIXe siècle sur la cessation quasi généralisée de l’activité ouvrière et commerçante à Nîmes le dimanche.

La ville est d’ailleurs citée en exemple lors du Congrès national du repos du dimanche en France organisé à Paris en février 1892 (article « Quand on travaillait le dimanche, il y a cent ans… » par Pierre Yves Kirschleger paru dans Revue d’histoire moderne et contemporaine de Nîmes et du Gard-année 2007 : Cote Arch. dép. Gard : BIB PER/C/70 4).

Passer tous les dimanches en famille peut nuire à la bonne marche de leur commerce

Les Nîmois, qu’ils soient ouvriers ou patrons, ont en effet pour habitude de passer tous leurs dimanches en famille dans leur mazet, bâtisse plus ou moins modeste située dans les garrigues environnantes de la ville.

Ces derniers sont donc très attachés à leur jour de repos hebdomadaire, qui améliore d’ailleurs considérablement la santé du travailleur (augmentation de l’espérance de vie, diminution de l’alcoolisme…).

Mais si ce rapport dresse un constat plutôt positif sur les conditions de vie des Nîmois à la fin du XIXe siècle, le début des années 1900 marque le déclin de cet acquis social.

Les commerçants, qui ont une clientèle exclusivement ouvrière ne disposant que du dimanche pour se réapprovisionner, accusent en effet le repos dominical de nuire à la bonne marche de leur commerce.

Alexandre Millerand réforme le droit du travail

La loi Millerand du 30 mars 1900 réduisant le temps de travail journalier et instaurant la semaine des 60 heures afin de libérer du temps libre en semaine, entre en vigueur à partir de 1904.

Aussi, alors que les commerçants nîmois sont de plus en plus nombreux à réclamer des dérogations afin de pouvoir ouvrir leur magasin le dimanche, d’importantes manifestations sont organisées dans les rues de Nîmes ce jour là afin de s’opposer à toute ouverture dominicale.

Des réactions en conséquence

Les plus réfractaires se placent même devant les devantures des magasins empêchant les clients d’entrer. Les incidents rapportés par la presse locale sont alors fréquents.

Des tracts et des voitures-réclames diffusent des messages contestataires tels que « Pour le repos des employés, n’achetez rien chez les commerçants récalcitrants ».

Malgré ces agitations, les infractions à la loi sur le repos hebdomadaire sont récurrentes, comme en témoignent les nombreux rapports de police de l’époque. Le montant dérisoire de l’amende ne dissuade d’ailleurs pas les commerçants d'outrepasser la loi. Nombreux sont ceux qui ouvrent leur commerce avant même l’octroi de leur dérogation, pourtant largement accordée par la préfecture.

Il faut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que le repos dominical s’impose, consolidé par la journée de huit heures introduite par la loi du 24 avril 1919. L’ouvrier peut alors aménager son temps de travail de façon à bénéficier d’une journée et demie de repos ou semaine dite anglaise avec le « week-end ». La loi est dans l’ensemble bien respectée et ne sera remise en cause qu’à la veille du second conflit mondial, en faveur de l’effort de guerre à fournir.