Curiosités & Trésors (Juillet 2025)
Les Archives départementales conservent de précieux fonds iconographiques. On y retrouve des photographies, des cartes et plans, des affiches, des dessins, des gravures...
Selon le Dictionnaire de terminologie archivistique.doc (francearchives.gouv.fr) :
- les documents figurés (ou iconographiques) sont des "Documents composés essentiellement d'images fixes comportant un élément de dessin, de figuration graphique ou photographique."
- les documents photographiques sont des "Documents sur support photographique, incluant les diapositives, les négatifs, les épreuves, voire les documents s'y rapportant".
- les documents cartographiques concernent "les cartes et plans, quelle que soit leur échelle".
Au fur et à mesure des classements, des inventaires sont élaborés et rendus disponibles en ligne.
Tous les mois, les Archives départementales du Gard vous proposent de découvrir des documents originaux et uniques extraits de leurs fonds iconographiques. Les "Curiosités & Trésors" du mois vous sont présentés.
Juillet 2025

+ d'infos : L’arène révélée : photographie d’une tradition naissante (Arch. dép. du Gard : 45 Fi 10)
Attardons-nous ce mois-ci sur un intéressant tirage photographique, intitulé "Guerrita à la muleta", conservé aux Archives départementales du Gard, dans le fonds Crespon (sous-série 45 Fi).
Cette photographie regorge d’informations précieuses.
On y trouve tout d’abord le crédit du photographe, René Crespon, ainsi que l’adresse de son atelier, situé au 14 avenue Feuchères à Nîmes. Le sujet est clairement identifié : le matador Guerrita, en pleine faena, et la date de la prise de vue est précisément indiquée : le 10 juin 1894. Par l’analyse de l’ombre portée, il serait même possible d’estimer approximativement l’heure de la scène.
René Crespon est le fils d’Antoine Crespon, pionnier du à Nîmes, spécialisé dans le portrait et l’architecture. Membre de la Société française de photographie, Antoine avait d’abord installé son atelier aux Jardins de la Fontaine, avant de le transférer avenue Feuchères. La maison Crespon devient alors un atelier de renom, et René y est actif durant le dernier tiers du XIXe siècle, à une époque qualifiée de premier "Âge d’or" de la photographie, marquée par le passage d’une pratique artisanale à une production plus industrialisée.
Ce tirage à l’albumine, réalisé à partir d’un négatif sur verre et monté sur carton, correspond à un format courant de l’époque : 21 x 27 cm, proposé habituellement par la Société Anonyme des Plaques et Papiers Photographiques Antoine Lumière et ses Fils, sous l’appellation de "Plaque La Lyonnaise". Quant au procédé du tirage à l’albumine, il consiste à enduire le papier d’albumine (blanc d’œuf) et de sels d’argent avant d’exposer ce papier sous le négatif. Comme beaucoup de photographies sur verre de cette période, son rendu offre un niveau de détail exceptionnel, permettant d’observer la foule dense dans les gradins des arènes, jusqu’aux spectateurs perchés sur le couronnement de l’édifice ! Ce cliché témoigne de l’attachement profond des Nîmois à leurs traditions tauromachiques et désormais l’ancrage durable de la corrida espagnole dans la culture locale, désormais véritable fait de société avec de véritables vedettes de la tauromachie.
Quant au matador, il s’agit de Rafael Guerra Bejarano, dit "Guerrita", également surnommé "El Guerra". Ce torero espagnol d’exception est considéré comme l’un des plus grands et des plus complets du XIXe siècle. Maître incontesté de la passe de la véronique, il en a renouvelé les règles et l’esthétique, marquant durablement l’histoire de la tauromachie. Après une présentation triomphale ce 10 juin, Guerrita, au firmament de son art, réalisa 32 passes avec son premier toro Saltillo ; cette photographie en témoigne et fige un moment d’éternité.