Curiosités & Trésors (Octobre 2025)
Les Archives départementales conservent de précieux fonds iconographiques. On y retrouve des photographies, des cartes et plans, des affiches, des dessins, des gravures...
Selon le Dictionnaire de terminologie archivistique.doc (francearchives.gouv.fr) :
- les documents figurés (ou iconographiques) sont des "Documents composés essentiellement d'images fixes comportant un élément de dessin, de figuration graphique ou photographique."
- les documents photographiques sont des "Documents sur support photographique, incluant les diapositives, les négatifs, les épreuves, voire les documents s'y rapportant".
- les documents cartographiques concernent "les cartes et plans, quelle que soit leur échelle".
Au fur et à mesure des classements, des inventaires sont élaborés et rendus disponibles en ligne.
Tous les mois, les Archives départementales du Gard vous proposent de découvrir des documents originaux et uniques extraits de leurs fonds iconographiques. Les "Curiosités & Trésors" du mois vous sont présentés.
Octobre 2025

+ d'infos : Une estampe d’Anne Fonbonne (Arch. dép. du Gard : non coté)
Reprenons le fil de notre sujet du mois précédent, consacré à un épisode majeur des guerres de Religion : la Michelade, qui s’est déroulée à Nîmes en 1567. Parmi les représentations iconographiques connues, des œuvres contemporaines à cet événement réalisées notamment par Frans Hogenberg ou Jean-Jacques Perrissin, jusqu'à celle de Louis Boulanger au XIXe siècle, nous retiendrons l’estampe choisie par Léon Ménard pour illustrer le Livre XVI de son Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nismes avec les preuves. C’est de cet ouvrage, conservé dans les fonds spéciaux de la bibliothèque des Archives départementales du Gard, que provient la reproduction de la gravure en taille-douce d’Anne Fonbonne.
Graveuse active au milieu du XVIIIe siècle, Anne Fonbonne s’inspire d’une ancienne gravure sur bois pour proposer une nouvelle représentation de l’événement, tout en conservant l’agencement initial en huis clos, ainsi que le réalisme et l’intensité émotionnelle des premières représentations. On retrouve dans la disposition de l’œuvre les éléments caractéristiques de nombreuses gravures antérieures : les flambeaux, les personnages en armes, l’arbre au centre à la forte symbolique, le puits au premier plan, le tout se déroulant dans le cloître de l'église cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Castor de Nîmes.
Entre le 29 et 30 septembre 1567 — l’histoire a retenu la date de la foire de la Saint-Michel, d’où le nom de "Michelade" — un épisode sanglant de violence confessionnelle éclate à Nîmes, en lien avec les guerres de Religion. Ce fut un événement exceptionnel car une majorité protestante attaqua une minorité catholique. Les émeutiers, animés de la ferme volonté de reprendre le consulat de la ville de Nîmes aux catholiques firent de nombreuses victimes, parmi lesquelles le premier consul Guy Rochette qui détenait les clés des portes de la ville. Cette scène est représentée en bas à droite de l’estampe, juste au-dessus de la signature ; d’autres scènes sont bien identifiées, notamment celle où l’on voit le capitaine Vidal se faire transpercer d’une lame au milieu de l’estampe, entre le puits et l’arbre.
L’œuvre peut se lire comme une "bande dessinée", derrière un apparent désordre les scènes s’organisent clairement. Dans l'angle supérieur droit, des hommes armés conduisent les catholiques dans le cloître ; à l’opposé, en bas à gauche on trouve le puits où seront fatalement précipitées nombre de victimes, religieux et laïcs pris au piège. Même si cet épisode est bien documenté, la rigueur historique de ces représentations n’est évidemment pas absolue, néanmoins, cette œuvre traduit le caractère méthodique du massacre qui marquera le prélude de la deuxième guerre de religion (1567-1568).
Au cours des siècles, les artistes se sont peu écartés de la composition conçue par Hogenberg, perçue comme un modèle dans l'historiographie des guerres de religion, démontrant ainsi la prééminence du fait historique sur la création artistique.