Remèdes contre la peste
Les épidémies trouvent leur origine dans des maladies infectieuses qui peuvent toucher aussi bien les hommes que les animaux et les végétaux.
Les différentes espèces ont donc coexisté de tout temps avec les virus et maladies infectieuses en disposant de très peu de connaissances pour les combattre. La naissance récente de la microbiologie moderne, de l’infectiologie et de l’épidémiologie à partir du milieu du XIXème siècle seulement, ont permis des avancées en termes d’hygiène et de développement des vaccins comme des antibiotiques. Conjugués aux acquis chirurgicaux, ces progrès médicaux ont permis de mieux lutter depuis contre les épidémies en contribuant à l’augmentation de l’espérance de vie de la population mondiale.
Une exposition itinérante intitulée "Les épidémies" est visible dans le hall des Archives départementales du Gard jusqu'à la fin février 2024
Cette exposition revient sur les différents fléaux épidémiques qui ont touché le département du Gard au cours des siècles (peste, choléra, variole, grippe espagnole…) et sur les moyens mis en œuvre pour s’en prémunir à travers notamment le développement de mesures hygiénistes et les débuts de la vaccination.
Cette 59ème chronique est un focus consacrée à la peste. D'autres documents sont présentés dans l'exposition itinérante "Les épidémies".
La peste (du latin pestis, qui signifie "maladie contagieuse, épidémie, fléau"), constitue la maladie la plus redoutée car la plus meurtrière du Moyen Âge et durant tout l’Ancien Régime.
La mortalité très élevée s’explique par les moyens de lutte dérisoires dont on disposait. La première grande épidémie de peste éclate en Europe en 1348 avec la peste noire.
On relève plusieurs autres épisodes majeurs en 1522, 1629-1631, 1665-1666 jusqu’à la dernière grande épidémie de Marseille en 1720. Cette épidémie reste la plus meurtrière avec 40.000 personnes décédées, soit la moitié de la population de l’époque.
La responsabilité de l’épidémie revient au Grand-Saint-Antoine, un bateau en provenance de Syrie. La peste ravage alors la ville qui se vide peu à peu de ses habitants entre les nombreux décès et l’exode massif dans l’arrière-pays contribuant encore à la prolifération de l’épidémie. Elle atteint ainsi les communes alentours, Allauch, Aubagne, Cassis puis Aix-en-Provence, Arles, Toulon, Alès, Avignon, jusqu’au Gévaudan. Seule la commune de La Ciotat, protégée par ses murailles, est épargnée.
Le parlement d’Aix interdit alors aux Marseillais de quitter la ville sous peine de mort et prend des mesures draconiennes pour endiguer l’épidémie en murant les maisons des morts et en brûlant du soufre dans les maisons. Une ligne de blocus militaire est également déployée avec la mise en place de 89 postes de garde. Ce cordon sanitaire s’étire sur 60 kilomètres. On construit également un "mur de la peste", long de 36 kilomètres pour endiguer l’épidémie qui se répand hors de Marseille jusqu’à Orange. Pour faire respecter le blocus, un quart des troupes royales sont envoyées dans la région et restent mobilisées pendant plus de deux ans et demi.
La peste dans le Gard
Le Gard est frappé par plusieurs épidémies de peste au cours de l’histoire. La peste est en effet signalée plusieurs fois dans les villes les plus importantes du département entre 1482 et 1549. Elle est favorisée par les guerres politiques et religieuses qui se déroulent dans le Midi entraînant les déplacements constants des armées du milieu du XVIème au milieu du XVIIème siècle.
Lors des grandes épidémies de peste, des mesures drastiques sont déployées pour tenter de préserver au mieux la population. Alors que les notables nîmois quittent la cité en 1522 pour se mettre à l’abri des contaminations, des sentinelles sont postées aux portes de la ville pour empêcher l’entrée des individus venant des zones infestées. La même année, la sénéchaussée, siège de la justice royale à Nîmes, est provisoirement transférée à Beaucaire. Une fois l’épidémie enrayée, on procède à la désinfection de la ville avec des moyens dérisoires (encens, drogues aromatiques…).
"Pour connaître la peste, et le moyen de s’en garantir" par Anthoine Le Gregou (1580) : un document retranscrit pour vous par Archives départementales du Gard
"Remèdes contre la peste, principalement prescriptions pour pratiquer une saignée en fonction de la position des "bosses" (ou bubons, ganglions lymphatiques gonflés).
Le remède le plus efficace semble encore être "se doit tenir le malade le plus joyeux qu’il pourra".
1580 - Pour connaître la peste, et le moyen de s’en garantir. Anthoine Le Gregou.
Remède contre la peste, composé par douze personnages doctes expérimentés assemblés par le cardinal d’Armagnac [Georges d’Armagnac, archevêque d’Avignon de 1577 à 1585] en Avignon en l’année 1580, y ayant quatre médecins, quatre apothicaires et quatre chirurgiens.
Il est certain que dans un jour naturel, qui contient 24 heures, sont formées toutes maladies, par quoi pour obvier à toute épidémie, c’est d’être saigné en temps et heure compétents.
Faut donc savoir, que au corps humain, il y a trois membres principaux, qui sont, le cœur, le foie, et le cerveau, et chacun a son propre éventoir, celui du coeur est aux aisselles, celui du foie aux aines, celui du cerveau entre les deux oreilles, à la bouche, et au col.
En temps pestilencié, règne tout venin et mauvais air et aussitôt être entré au corps, se mêle avec le sang, le corrompt, le détruit, et convertit en mauvaises humeurs. Etant le sang corrompu, se retire devers le cœur, comme au principal membre, et comme le cœur le sent, le refuse et l’envoie à son éventoir, pour le mettre dehors, qui est les aisselles, et advient aucunes fois, que tel mauvais sang corrompu, trouve les veines estoupées [bouchées], qui doivent aller tout droit vers le cœur, par quoi, il s’efforce tant qu’il peut d’aller vers l’autre membre principal, qui est le foie, afin que ce qu’il n’a pu faire au cœur, il le fasse au foie, mais le foie résiste contre, tant qu’il peut, et l’envoie à son éventoir qui sont les aines, et pareillement fait le cerveau, car soudain qu’il sent telle corruption, il l’envoie à son éventoir qui est entre les oreilles, la gorge, et le col ; c’est pourquoi par ce moyen on peut connaître en quelle part du corps est la matière corrompue, et s’il advient bosse, étant purgée, c’est le profit du malade, si la saignée est faite, à l’heure qu’il appartient.
Or donc, quand la bosse est aux aisselles, c’est le signe que le cœur est blessé, et par ainsi la saignée doit être faite à la veine dudit cœur, du côté qu‘est la douleur. Si le malade sent la douleur au bras droit, la saignée doit être faite à la veine du foie, ou de celle qui est entre le petit doigt et le plus proche de lui. Et si la bosse est en l’aine, près du membre secret, la saignée doit être faite au pied du côté où est la bosse, à la veine d’entre le petit orteil et le plus proche de lui, ou de la veine qui est entre la cheville et le talon, et toujours du côté où est ladite bosse. Et si la bosse se tire bien avant en la cuisse loin du membre secret, la saignée doit être faite du côté où est la bosse, et à la veine d’entre le gros orteil et le plus proche de lui, et non au bras, car la matière corrompue retournerait au foie, et serait péril de mort. Et si la bosse est au col, à la gorge, ou entre les oreilles, ladite saignée doit être faite au bras du côté où est ladite bosse, et à la veine du chef, qui est entre le pouce et le doigt démonstratif, et ventouser entre les deux épaules. Et si ladite bosse est entre les deux oreilles, ou environ, ladite saignée doit être faite à la veine qui est dessous l’aine. Et se doit tenir le malade le plus joyeux qu’il pourra, sans peur, car en telle maladie nuit fort.
En temps d’épidémie, faut boire le matin une fois de vin blanc ou clairet, pour résister au mauvais air, et porter en main une petite éponge trempée en fort vinaigre, pour la mettre souvent au nez, car le vinaigre repousse le mauvais air, et le garde d’entrer au cerveau et dans le corps."