Les migrations dans le Gard aux XIXe et XXe siècles
La première vague d’immigration en France
Un étranger peut être défini comme un individu provenant d’une communauté géographique distincte, d’une autre nation. De nos jours, près d’un français sur cinq possède au moins un grand-parent étranger dans sa famille traduisant ainsi l’importance du phénomène migratoire. Dès le XIXe siècle, la France apparaît d’ailleurs comme une terre d’immigration. La Révolution française a contribué à la naissance de la première forme de migrations de masse, avec la multiplication notamment des contre-révolutionnaires, considérés comme des traitres à la patrie, provoquant une première vague d’émigration.
Ce mouvement s’observe aussi en Italie lors de la proclamation du royaume d’Italie en 1861, ainsi qu’en Pologne, en Espagne ou encore en Allemagne.
L’émigration polonaise constitue par ailleurs l’un des exils politiques majeur du XIXe siècle. L’échec de l’insurrection de Varsovie contre le pouvoir tsariste amène en effet un grand nombre de polonais à se réfugier en France, particulièrement à Paris, où ils organisent une Cour gérée par un Prince. Il s’agit de la « Grande Emigration » débutée entre 1831 et 1832.
Le département du Gard devient ainsi au XIXe siècle un lieu de refuge pour les Polonais et les Italiens. On désigne sous le terme de « réfugié » ou « d’émigré politique », tous les étrangers qui ont quitté leur pays sous la contrainte politique, généralement sans autorisation.
Les étrangers, une main d’œuvre attractive
Les XIXe et XXe siècles constituent des périodes de transformations économiques et industrielles radicales, augmentant considérablement ainsi les besoins en main d’œuvre, déjà affectés par les guerres. Les communautés étrangères sont alors accueillies massivement pour satisfaire cette croissance économique. Au XIXe siècle, les mines gardoises recourent d’abord à une main d’œuvre en provenance des régions proches comme l’Ardèche, la Lozère ou encore la Haute-Loire, mais qui se révèle bientôt insuffisante. En effet, les besoins en charbon s’accroissent encore et obligent les compagnies minières à recourir à de la main d’œuvre étrangère à partir de 1911-1912.
L’hémorragie causée par la Première Guerre mondiale accentue encore le phénomène avec un recrutement massif de Polonais et d’Italiens. L’effectif dans les mines de la Grand Combe atteint ainsi 1434 ouvriers étrangers contre 6768 travailleurs français en 1926. A la recherche de meilleures conditions économiques et loin de la misère de leur pays d’origine, ces immigrés tentent de faire vivre leur famille tout en répondant aux besoins des industries minières et sidérurgiques.
À la fin de la guerre, en 1919, l’Etat français signe des conventions d’immigration afin de relancer l’économie, notamment avec l’Italie et la Pologne. Mais ces populations venues pour travailler et non pour s’installer causent des difficultés d’intégration majeures. Les enfants d’immigrés sont également recrutés le plus souvent dans les mines du Gard. L’insécurité, l’hygiène déplorable et les nombreux accidents constituent le quotidien de ces immigrés, sacrifiés au bénéfice de la croissance économique.
Le climat d’insécurité et la perception de l’étranger en France
Les premières hostilités envers les populations étrangères se font sentir en France dès le XIXe siècle. Cette période est en effet marquée par une recrudescence d’actes xénophobes et l’émergence d’un sentiment national de supériorité par rapport aux immigrés. Le massacre de huit italiens aux salins d’Aigues-Mortes en août 1893, illustre en ce sens, la montée du nationalisme et le développement d’une aversion contre l’étranger.
Dans les années 1930, le nombre d’immigrés en France est estimé à près de 3 millions de personnes, soit près de 7% de l’ensemble de la population française. Appelé massivement lorsque le pays avait besoin de main d’ouvre à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’immigré est alors perçu de plus en plus négativement au moment de la première grande crise économique de 1929. Accusé de « voler le travail des Français », il subit de plein fouet la montée du racisme exacerbé.
Cette stigmatisation de l’étranger s’accroît encore sous le régime de Vichy qui tend à limiter au maximum le recours à la main d’œuvre immigrée, accusée de causer un trouble à l’ordre public. La loi « relative à la situation des étrangers en surnombre dans l’économie nationale » du 27 septembre 1940, entraîne ainsi le rassemblement des étrangers dans des camps dits de « Groupements de travailleurs étrangers », afin de contrôler au plus près cette population jugée dangereuse.
La surveillance accrue des réfugiés et des immigrés dans le Gard
Les immigrés ont toujours fait l’objet d’une surveillance particulière et ce dès la première vague d’immigration au milieu du XIXe siècle, par la tenue notamment de fiches de renseignements, permettant d’identifier les nouveaux venus. Celles-ci, très détaillées, révèlent la volonté de surveiller étroitement ces individus dont le pouvoir en place et la population française se méfient.
Le contrôle des étrangers connaît un tournant majeur à la fin de la Première Guerre mondiale. Un décret d’avril 1917, instaure en effet la « carte d’identité d’étranger » afin de recenser, surveiller et enregistrer les résidents non français. La création de ce document administratif témoigne alors de la détermination à exercer un contrôle accru sur la main d’œuvre étrangère. Mais en ces temps de fin de guerre, cette carte vise aussi à limiter les risques d’espionnage ennemis.
Si l’obtention de cette carte assure un statut juridique aux immigrés, ils doivent en retour s’acquitter du paiement d’un impôt spécial. Ce nouveau système d’identification permet en outres un enregistrement précis des informations personnelles de l’intéressé au niveau familial, professionnel et géographique. A partir de 1924, la durée de validité des cartes d’identité d’étrangers est fixée à deux ans.
Trois cartes sont délivrées en fonction du statut de l’individu. Une carte verte pour les travailleurs de l’industrie, une jaune dite « chamois » pour ceux travaillant dans l’agriculture et une simple pour tous les travailleurs étrangers ne rentrant pas dans les deux cadres précédents.
Le contrôle des immigrés devient primordial d’autant que leur nombre s’accélère lors de la guerre civile en Espagne qui apporte un afflux considérable de réfugiés espagnols à partir de 1936, notamment dans les régions du Sud.
Le département du Gard est aujourd’hui encore confronté à un phénomène migratoire important avec l’afflux de population en provenance de pays en guerre comme la Syrie.