Sur un air de Noël
Si certaines traditions de Noël sont apparues assez récemment, d’autres sont beaucoup plus anciennes, comme celle des chants et cantiques de Noël.
Ces chants joyeux, évoquant la Nativité, se sont particulièrement développés dans nos régions.
Rédigés en langue provençale, ces noëls sont souvent chantés sous forme de dialogue et se prêtent à des jeux scéniques, retraçant la vie de l’époque et reprenant les traditions locales.
Le profane et le religieux
Les auteurs de ces chants ne sont pas toujours connus. On peut toutefois en citer deux, dont les œuvres ont connu une longévité exceptionnelle et qui ont un lien avec notre département. L’un des compositeurs les plus prolifiques de noëls provençaux, et l’un des plus connus encore aujourd’hui, fut Nicolas Saboly, né en 1614 à Monteux, dans le diocèse de Carpentras.
Ce fils de consul (conseiller municipal) fit ses études à Avignon, chez les Jésuites, puis à Carpentras, avant d’être ordonné prêtre. Il a officié ensuite dans le diocèse de Nîmes, où il fut maître de chapelle de la cathédrale (on conserve aux Archives départementales les certificats qu’il a dû produire pour être recruté) avant de terminer sa carrière à Avignon, où il meurt en 1675.
Nicolas Saboly était avant tout un poète et un compositeur et il a écrit de nombreuses pièces pour la liturgie, des messes, des motets (chants d’église à plusieurs voix), des noëls, publiés dès 1669 et sans cesse réédités tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles.
Ses textes de noëls sont tous rédigés en provençal, ils font référence à la vie pastorale, au quotidien des gens de l’époque, avec beaucoup de verve. Ces chants sont publiés sans musique : l’auteur se contente d’indiquer au début du texte qu’il faut chanter « sur l’air : allant au marché ce matin », ou « sur l’air : Tircis caressait Climène », (mêlant ainsi cantiques et chants profanes…), voire « sur un air connu ».
Sur les traces de Saboly
Quelques décennies plus tard, c’est un curé d’Aramon qui va produire à son tour un noël resté parmi les plus célèbres : la Marche des Rois (« De bon matin, j’ai rencontré le train… »).
Joseph Domergue a découvert et apprécié les œuvres de Nicolas Saboly et a suivi ses traces en composant en provençal sa Marche des Rois, qu’il fallait chanter « sur l’air de la Marche de Turenne », attribué aujourd’hui à Lulli.
Si ce chant s’est diffusé assez rapidement, il faut attendre 1763, soit bien après la mort de Domergue décédé à Avignon en 1728, pour qu’il soit publié dans un Recueil de noëls provençaux, reprenant les textes de Saboly et quelques noëls anonymes.
La tradition se perpétue avec d’autres auteurs
Ainsi, Antoine Blaise Crousillat, dit le Doyen des félibres, composa un recueil de Noëls, en langue provençale, édité à Avignon en 1880.
Une édition de cet ouvrage est conservée aux Archives départementales du Gard (43 J 1206).
Traduction
LA PAIX
O quel bonheur ! Plus de guerre,
Grand merci Dieu !
La paix descend sur la Terre
Avec son fils :
Avec la paix, angoisse et peines
Disparaîtront,
Et de bonheur nos montagnes
Tressailliront.
Pour en porter la grande nouvelle
De ci de là,
Je cours, à la lueur des étoiles,
Comme un fou…
Le plus beau jour, compère Antoine,
Va luire pour nous :
Allons ! Lève-toi, prends ta vielle,
Et fais du bruit !
Il faut que la joie éclate
De cent façons,
Et que l'on chante et que l'on rie,
Filles et garçons ;
Garçons et filles en farandole
Il faut qu'ils sautent,
Qu'aux pieds de Notre Seigneur en foule
Vite ils se jettent…
De gens se couvre la colline
En un rien de temps,
Et partons vite en troupe
Plus que contents,
Pour, là-bas où il se cache
Au fond d'une cabane,
Voir l'enfant qui apporte au monde
Lumière et paix.