Les premières élections présidentielles

C’est en 1848 que fut élu le premier président de la République, au terme d’une année riche en événements. Le 22 février 1848, sous l’impulsion des libéraux et des républicains, le peuple de Paris, qui souffrait de conditions économiques de plus en plus difficiles, se soulève et parvient à prendre le contrôle de la capitale.

Louis-Philippe renvoie le président du Conseil, le Nîmois François Guizot, mais ne réussit pas à reprendre le dessus, se refusant à faire massacrer les insurgés. Il abdique en faveur de son petit-fils le 24 février.

Le même jour, les révolutionnaires proclament la Deuxième République et mettent en place un gouvernement provisoire républicain qui organise des élections législatives pour former une assemblée nationale constituante.

Dans le Gard, comme partout, dès les premiers jours de mars, on proclame la République et l’on plante un arbre de la liberté. Ainsi à Flaux où « tous les habitants bons citoyens se sont fait entendre par de vives acclamations de joie : vive la République, vive le gouvernement populaire, vive la paix », avec des farandoles au son des tambours, le tout « dans la plus parfaite union et fraternité populaire », comme le rapporte le maire.

Nouvelle constitution

L’Assemblée nationale constituante, composée en majorité de républicains modérés et de monarchistes, soutient le gouvernement du général Cavaignac, républicain conservateur. La nouvelle constitution est votée le 4 novembre 1848. Selon ce texte, le président de la République, élu pour quatre ans au suffrage universel et non rééligible immédiatement, est le chef de l’exécutif. Une assemblée législative, élue pour trois ans au suffrage universel, vote les lois et contrôle le gouvernement. Cette nouvelle constitution, qui a intégré pour la première fois le suffrage universel (masculin seulement !) est promulguée dans les communes au cours des semaines suivantes, avec là encore beaucoup de solennité.

À Pougnadoresse, par exemple, le maire fait chanter un Te Deum ainsi que le Domine salvam fac rempublicam ("Seigneur, protège la République", qui remplace le "protège le roi" de la monarchie) à la fin de la grand’messe puis, à une heure de l’après-midi, ceint de son écharpe tricolore et « accompagné d’un piquet de la garde nationale ayant drapeau en tête », « à haute et intelligible voix », il fait lecture de la constitution. Il a ensuite fait chaleureusement « remarquer au peuple que la République garantissant la religion, la liberté, la famille, la propriété, il devait à son tour n’avoir qu’un cœur pour l’aimer, que des bras toujours disposés à la défendre (…) qu’une voix en définitive pour crier : vive la République ». Après les acclamations et une décharge de mousqueterie, le maire a fait une distribution de vin et la fête a duré jusqu’à la nuit.

L’élection a lieu les 10 et 11 décembre 1848, pour départager cinq candidats dont Cavaignac pour les républicains modérés, Ledru-Rollin pour la gauche républicaine, Raspail pour les socialistes et Louis-Napoléon Bonaparte pour le parti de l’Ordre (légitimistes et orléanistes).

Le cinquième candidat était le poète Lamartine. Toutefois, comme on le voit dans le tableau ci-joint, il est arrivé que les électeurs inscrivent sur les bulletins les noms d'autres personnalités de l'époque, comme le général monarchiste Changarnier.

La « campagne » se fait surtout au cours de banquets, tel celui organisé à Beaucaire le 26 novembre. On y entend des discours dans l’esprit du socialisme, avec des cris de « Vive Barbès » (député d'extrême gauche, qui se trouve alors en prison) et on y discute des mérites des candidats : « l’un fait valoir que Raspail offre plus de garantie, un autre qu’il faut se fixer sur Ledru-Rollin comme ayant plus de chance de succès ».

Si les sondages n’existent pas encore, on s’efforce de faire des prévisions. Le sous-préfet du Vigan prévoit ainsi que, dans son arrondissement, c’est Cavaignac qui devrait l’emporter sur Bonaparte, par 900 voix contre 220, estimant que « le résultat du scrutin ne s’éloignera guère de l’appréciation qui précède ». Et c’est effectivement le général Cavaignac qui a remporté le plus de voix sur ce canton !

Si Louis-Napoléon Bonaparte devance finalement Cavaignac dans le Gard avec 47,6 % des voix contre 36 %, il faut noter la singularité du département qui fut l’un des cinq en France à lui accorder moins de 50 % des voix.

Quatre ans après, Bonaparte devenait l'empereur Napoléon III.