La loi du 9 décembre 1905

La loi de séparation des Églises et de l’État

Avant la loi de séparation de l’Église et de l’État du 9 décembre 1905, le régime des cultes de 1801, le Concordat, confère aux cultes majoritaires, catholiques, protestants et juifs, un statut, une légitimité et une prise en charge financière de la part de l’État. En contrepartie, l’État s’ingère dans les affaires religieuses en nommant, rémunérant et surveillant les ministres du culte.

Sous la IIIe République, la question du maintien du régime concordataire ou de son remplacement par une loi de séparation voit le jour et divise profondément la classe politique. En effet, conservateurs et révolutionnaires s’opposent violemment sur cette question. L’affaire Dreyfus contribue par ailleurs à l’émergence d’un vrai débat entériné par le vote sur la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905. Pour autant, l’adoption de la loi ne met pas définitivement fin aux différents qui opposent le régime républicain à l’Église catholique.

Dans le département du Gard, plus de la moitié des députés sont favorables à la loi. Depuis une vingtaine d’années déjà, les républicains préparent l’opinion à la séparation en déposant différentes lois laïques comme les lois Ferry de 1880-1882, la loi Naquet sur le divorce en 1884 ou encore l’abolition du caractère religieux des cimetières qui deviennent communaux en 1885.

Le vote de la loi de laïcisation du personnel enseignant en 1886 amorce également un tournant dans l’opinion publique.

Les retentissements de l’affaire Dreyfus

Accusé de trahison en faveur de l’Allemagne, le capitaine Albert Dreyfus, de confession juive, est condamné en 1894 par le conseil de guerre de Paris à la dégradation et à la déportation à vie en Guyane. Le gouvernement tout comme l’armée refusent la révision du jugement alors même que naissent des soupçons sur la culpabilité d’un autre officier, le commandant Esterhazy.

Dès lors les dreyfusards, parmi lesquels se trouve une partie de la gauche, dénoncent le fait que Dreyfus soit injustement accusé à cause de son appartenance religieuse. Ils vont violemment s’attaquer aux antidreyfusards, essentiellement constitués d’hommes de droites cléricaux et conservateurs qui ne veulent en aucun cas porter atteinte à l’armée, elle-même majoritairement constituée de nombreuses familles catholiques et conservatrices.

Les républicains les plus radicaux dénoncent l’influence que l’Église exerce au sein de grandes institutions dont l’armée, même si l’Église n’a jamais pris parti officiellement pour les antidreyfusards. Au-delà de la querelle religieuse, l’antisémitisme reste en toile de fond de ce combat mené par les républicains.

A l’issue de l’affaire Dreyfus, la radicalisation de la classe politique s’observe entre cléricaux et anticléricaux. Un nouveau gouvernement dit de « Défense républicaine », le gouvernement de Waldeck-Rousseau voit le jour le 22 juin 1899 et se donne comme objectif de lutter contre le péril nationaliste, antisémite et clérical. La loi de liberté d’association de 1901 va servir de base à la nouvelle lutte contre les congrégations religieuses en comportant un chapitre restrictif à leur encontre, pour lesquelles le principe de libre association ne s’applique pas.

L’année qui suit est marquée par la campagne électorale des législatives menée dans un contexte de luttes religieuses ayant pour point central la place de l’Église catholique dans la société française avec notamment l’application de la loi de 1901. Le 11 mai 1902, le « bloc des gauches » l’emporte et profite d’une confortable majorité. Le gouvernement Combes en place du 7 juin 1902 au 24 janvier 1905 mène une politique laïque et anticléricale conduisant progressivement à l’adoption de la loi de séparation du 9 décembre 1905.

Les conséquences de la loi de 1905

La loi abroge le Concordat de 1801. L’État n’est plus autorisé à intervenir dans la nomination des évêques et dans les règles d’organisation des cultes. Le pouvoir politique devient officiellement distinct du pouvoir religieux. La loi permet également à l’État de réaliser des économies budgétaires en ne finançant plus les cultes. Toutefois, les édifices cultuels construits avant 1905 deviennent les propriétés des communes. Les cathédrales, celles de l’État. Cette disposition s’applique également aux objets mobiliers garnissant les lieux de culte. Les départements deviennent quant à eux propriétaires des immeubles autres que les lieux de culte comme les évêchés.

Les pouvoirs publics reconnus propriétaires prennent donc à leur charge l’entretien de ces bâtiments. Les édifices cultuels construits après 1905 relèvent toujours toutefois du patrimoine des Églises. Les répercussions sociétales sont également importantes car les individus peuvent dorénavant se définir autrement que par leur seule appartenance religieuse. Ils sont également soustraits de l’influence de l’Église catholique, plus autorisée à intervenir dans la gestion des établissements d’enseignement, de charité ou hospitalier.

Ces mesures ont des retentissements très importants pour l’Église. On observe ainsi dans certaines régions où le cléricalisme est encore très présent, des fidèles qui se barricadent dans les églises pour empêcher les agents de procéder aux inventaires des biens.

Le cas particulier de l’Alsace-Moselle

La loi de séparation de 1905 ne s’est pas appliquée aux départements d’Alsace-Moselle encore annexés par l’empire allemand, à la suite de la défaite de 1870. En 1918, quand l’Alsace-Moselle redevient française, la loi n’y est toujours pas adoptée. L’Alsace-Moselle conserve aujourd’hui encore son droit local, largement issu du Concordat de 1802 et confirmé par la loi du 1er juin 1924.

Les réactions à la loi de 1905 dans le Gard

Il semblerait que la population gardoise ne se soit pas ou peu opposée à la loi de séparation ni à son application. Seul un député gardois s’est prononcé contre la loi lors du vote à la Chambre. Dans l’ensemble, les opérations d’inventaires débutent sans heurts mais peu à peu certains catholiques se montrent très hostiles à la loi et quelques incidents isolés éclatent dans les régions plus rurales du département.

À Saint-Christol-les-Alès, le curé interdit aux responsables de la fabrique de participer à l’inventaire sous peine d’excommunication. Les portes de l’église sont barricadées et obligent les forces de l’ordre à passer par la toiture. Des faits similaires se déroulent dans plusieurs localités cévenoles (Navacelles, Molières-Cavaillac, Ribaute-les-Taverne) mais également autour de Nîmes (Meynes, Fons-Outre-Gardon, Montpezat, Saint-Mamert-du-Gard).

À Nîmes, les incidents restent l’exception. A l’église Saint-Charles, des fidèles ont fermé les portes de l’église de l’intérieur et ont sonné les cloches appelant d’autres fidèles à se rassembler devant l’église pour faire bloc. La foule est toutefois rapidement dispersée. Les fidèles de l’église Sainte-Perpétue se mobilisent également sans grande répercussion. Les réactions aux inventaires se résument donc à des mouvements isolés de petite ampleur.

La tendance majoritaire vers la Gauche du département du Gard ainsi que l’importante communauté protestante semblent avoir favorisé dans l’ensemble l’acceptation de la loi de séparation.

À noter une autre conséquence importante de la loi de 1905 pour le Département du Gard et plus particulièrement pour les Archives départementales, avec l’installation de ces dernières dans l’ancien grand séminaire de Nîmes, nouvelle propriété du Département, en vertu de l’application de la loi de 1905. Elles y resteront de 1911 à 2013.