Les femmes et la religion
La congrégation des religieuses de Nevers à l’hospice de Nîmes
L’histoire de l’Hospice d’Humanité de Nîmes
Cet hospice fondé en 1686 par le père Richard, jésuite missionnaire, reçoit les pauvres et les infirmes, les enfants trouvés ainsi que les aliénés provisoirement séquestrés. Tenu par les religieuses dites de Nevers, il prend le nom d'Hospice d'Humanité à la Révolution. L'édifice est restauré en 1810. Un décret impérial du 5 août 1809 autorise en effet la commission administrative des hospices de la ville de Nîmes à faire exécuter en six ans les travaux de restauration, suivant les plans et les devis présentés le 11 mars 1809 par l’architecte Charles Durand, ingénieur des ponts et chaussées. Sa façade sur le boulevard est une partie de celle de l'actuel lycée Daudet. L'hospice est transféré route d'Uzès en 1874.
La création de la congrégation des religieuses de Nevers
Après une retraite à l'abbaye d'Autun, Jean-Baptiste Delaveyne, moine bénédictin, rentre dans son village natal de Saint-Saulge, à l’est de Nevers, avec la volonté de changer la triste vie de ses paroissiens. Redécouvrant les enseignements du Christ, il convie des jeunes filles de Saint-Saulge et des paroisses voisines à se joindre à lui pour s'occuper des plus démunis, créant ainsi la congrégation des sœurs de la Charité et de l’Instruction chrétienne en 1680.
La formation des religieuses
Recevant une éducation et une instruction solides, les sœurs vivent dans une petite maison de Saint-Saulge, puis déménagent à Nevers en 1685, y font la classe, y installent le noviciat et la pharmacie. Elles sont envoyées à l'hôpital général de la ville par l'abbé Charles Bolacre. La communauté religieuse s’agrandit vite et en 1693 les sœurs occupent une plus grande maison à Nevers. La congrégation reçoit la reconnaissance de l'État par lettres patentes de Louis XVI en 1780. À la fin de l'Ancien Régime, la congrégation compte 140 maisons. Les religieuses sont envoyées dans le Sud-Ouest. En 1866 (année où Nevers recrute sa religieuse la plus célèbre, Bernadette Soubirous), on dénombre en France 260 maisons.
Les religieuses de Nevers à l’Hospice d’Humanité de Nîmes
Installées à l’hospice de Nîmes au milieu du XVIIIe siècle, les religieuses sont peu nombreuses pour effectuer une multitude de tâches. Elles sont tour à tour cuisinières, pharmaciennes, lingères, infirmières ou encore nourrices pour les bébés déposés à l’hospice. Elles doivent également gérer l’intendance et tenir à jour les registres d’inscription. Cette charge importante de travail peu rémunérée amène les sœurs à réclamer par pétition, le 4 mai 1795, un traitement mieux adapté à leur statut comme le prévoit la loi du 18 août 1792 : « Le terrorisme [c'est-à-dire le régime révolutionnaire de 1793-1794] n’existe plus, le règne de la justice a pris sa place, elles ont lieu d’espérer d’une administration, aussi sage qu’éclairée, qu’elle voudra bien ordonner qu’elles recevront leur traitement comme religieuses dotées pour les arriérages qui leur sont dus d’après l’arrêté du représentant du peuple Girot Pouzol. Elles joignent à leur pétition, les pièces qui constatent qu’elles ont été dotées en faisant leur profession dans la ci-devant congrégation de Nevers ».
Illustrations : Pétition par les religieuses de la congrégation de Nevers à l’Hospice d’Humanité de Nîmes (4 mai 1795)
Les abandons d’enfants au XVIIIe siècle
Dévouées et appréciées, les sœurs s’acquittent admirablement de leurs tâches d’autant que le nombre d’abandons à l’Hospice d’Humanité de Nîmes reste le plus élevé du département du Gard après la Révolution, avec une centaine d’enfants exposés en moyenne par an. En 1792, les religieuses de cet hospice prennent ainsi en charge 153 nourrissons, 127 en 1795 et 140 en 1796. Ces chiffres élevés s’expliquent par le fait que 40 % de la population gardoise vit alors dans l’arrondissement de Nîmes à cette période. Afin de lutter contre ce fléau, l’hospice propose dès 1795, à chaque famille d’enfant légitime, quatre à six livres par mois jusqu’au sevrage de l’enfant. Cette pratique permet de diminuer considérablement le nombre d’enfants exposés dès 1798.
Les mères qui confient leur enfant à l’hospice vouent une confiance totale aux religieuses qui en prendront soin, comme en attestent les nombreux billets laissés sur les enfants exposés « Ma chère sœur, la nécessité et les circonstances imprévues m’obligent de me priver de mon enfant. Je lui attache à son cou une médaille d’Angleterre n°3 que je vous prie de lui conserver ma chère sœur. Je vous prie en grâce de le soigner autant que possible, de lui donner une bonne nourrice en attendant que je puisse le retirer ». Les enfants portent également sur eux lors de leur abandon, des petits médaillons, témoignages d’amour de leurs mères qui espèrent pouvoir les récupérer dès que possible. Mais dans les faits, peu d’enfants rejoindront leur famille.
Illustrations : Divers billets laissés sur les enfants exposés à l’Hospice d’Humanité de Nîmes à l’attention des religieuses (XIXe siècle)
- Extrait (des deux premières images) : « Cette petite fille est baptisée. Veuillez l’appeler Eugénie […]. La mère a l’intention de la réclamer et supplie d’en avoir le plus de soins possible. Elle porte pour marque un petit bracelet rouge à chaque bras. Sainte Vierge Marie, je mets mon enfant sous votre protection. Un double de la présente est conservé par la mère »
Illustration : Divers médaillons laissés sur les enfants exposés à l’Hospice d’Humanité de Nîmes (XIXe siècle)
Les soins prodigués par les religieuses aux enfants exposés
Avant d’envoyer l’enfant en nourrice, généralement dans les Cévennes, les religieuses doivent veiller à ses premiers soins et sont contraintes de l’allaiter au lait de chèvre, source de nombreuses gastro-entérites et infections, nécessitant une surveillance constante. Le nombre de décès augmente proportionnellement au nombre d’enfants exposés. Les nourrissons sont donc, dans la mesure du possible, rapidement placés en nourrice par les sœurs débordées pour limiter la mortalité.
L’État et les congrégations religieuses
La religion occupe une place importante à l’Hospice d’Humanité de Nîmes, malgré une volonté de laïciser les lieux après la Révolution. Une cuve baptismale est même construite en 1875 dans la chapelle de l’hospice, nouvellement transféré route d’Uzès, pour baptiser les nourrissons. Cette coopération forcée entre l’État et les congrégations religieuses s’explique par la technicité acquise par les religieuses durant des décennies de dévotion et de bienfaisance auprès des plus démunis. Aussi, alors que les congrégations sont exclues des écoles dans les années 1880 par les lois Jules Ferry et que la loi du 9 décembre 1905 sépare les églises de l’État, elles restent fréquemment en place dans les unités hospitalières grâce à leur personnel compétent et formé, devenu incontournable.
Illustrations : Construction d’une cuve baptismale pour la chapelle de l’Hospice d’Humanité de Nîmes, transféré route d’Uzès en 1874 (plan et devis estimatif) (12 mai 1875)