Histoire de l’économie sociale et solidaire (ESS)

L’économie sociale et solidaire est née il y a plus de 150 ans.


Dès le début du XIXe siècle, les débuts de la révolution industrielle accélèrent les migrations des paysans en milieu urbain.

Très vite, la misère ouvrière gagne du terrain.

C’est alors que naissent les premières associations et organisations de protection avec la création de mutuelles et de coopérations solidaires non-lucratives, puis des associations en 1901.

Des penseurs utopistes cherchent en effet des alternatives à la nationalisation des moyens de production, en inventant une façon collective de produire des biens et services en vue de satisfaire les intérêts de tous et non plus de quelques-uns seulement.

Un visionnaire, Charles Gide

L’initiateur du mouvement coopératif français

Charles Gide est à l’origine du mouvement coopératif français.

Cet intellectuel visionnaire, issu de la bourgeoisie protestante d’Uzès, poursuit des études de droit avant d’être nommé professeur d’économie politique à l’université de Bordeaux en 1874.

Il publie en 1884 les Principes d’économie politique, manuel qui connaît un succès considérable avec 26 éditions de 1884 à 1931 et 19 traductions.

L’École de Nîmes

Charles Gide s’attaque aux excès du libéralisme sans adhérer pour autant au marxisme. À la recherche d’une alternative, il prône une économie sociale fondée sur la solidarité.

En 1885, il fonde ainsi, avec le militant socialiste (fils de pasteur) Auguste Fabre, l’École de Nîmes. Mouvement coopératif français actif surtout dans le sud de la France, l’École de Nîmes est une coopération émancipatrice, lieu d'apprentissage de la démocratie et de l'efficacité économique, permettant d'abolir le régime du profit sans tomber dans l'étatisme.

L’Émancipation, présentée comme un « journal d’économie politique et sociale » paraît pour la première fois en 1886. Considérée comme l’organe de l’École de Nîmes, Charles Gide y publie 840 articles entre 1886 et 1931. La société doit se développer en se montrant efficace économiquement tout en respectant les libertés individuelles. Le principe de la solidarité repose sur la coopération et l'association.

Charles Gide fonde la Revue d’économie politique en 1887. Dreyfusard, héritier du socialisme français « associationniste », il est toutefois partisan du social mais non du socialisme révolutionnaire et écrit des articles fermement hostiles au bolchevisme.

La paix par le droit

La naissance d’un mouvement associatif

De 1830 à 1850, un mouvement de « Réveil » anime les églises réformées de France, qui supportent difficilement les contraintes d’une Église officielle liée à l’État.

En 1849, l’Union des églises évangéliques libres est fondée, groupant les églises protestantes indépendantes de l’État. L'esprit social et coopératif du « Réveil » inspire de nombreuses structures créées au long du XIXe siècle, l’Armée du salut restant la plus connue. On retrouve cet esprit dans l'École de Nîmes mais aussi dans le mouvement pacifiste.

La création de l’Association de la paix par le droit

En avril 1885, sept élèves de la classe de philosophie du lycée de Nîmes décident de créer une association des Jeunes amis de la paix. Issus de la bourgeoisie protestante, ces lycéens donnent naissance à un mouvement qui deviendra l’Association de la paix par le droit en 1887.

L’objectif de cette association, tel que présenté dans ses statuts, est « d’étudier et de vulgariser les solutions juridiques des conflits internationaux » tout en restant « indépendante de tout parti politique et de toute confession religieuse ». Très active, cette association publie des revues et un almanach de la paix en s’entourant de personnalités de renom, tel Frédéric Passy, connu pour ses activités pacifistes.

De 1887 à 1947, l’association traduit l’économie coopérative portée par l’École de Nîmes.

Les sociétés de secours mutuels

Les sociétés de secours mutuels participent directement à l’économie sociale et solidaire. De gestion non capitaliste, ces sociétés à but non lucratif se caractérisent par l’adhésion volontaire de leurs membres.

Elles visent à pratiquer l’entraide entre les adhérents pour réduire l'impact en cas de maladie, d’invalidité, d’accident, de chômage ou encore de décès.

Elles sont reconnues officiellement par la loi du 15 juillet 1850, promulguée sous la Deuxième République et signée par Louis-Napoléon Bonaparte.

Les ouvriers doivent s'acquitter d'un droit d'entrée et d'une cotisation mensuelle.

Au 31 décembre 1862, on compte 4 582 sociétés de secours mutuel en France.

Elles deviennent des sociétés mutualistes, ou mutuelles, à la suite de l’adoption du Code de la mutualité en 1945.

Que reste-t-il de l’économie sociale et solidaire aujourd’hui ?

Dans les années 1970, l’économie sociale et solidaire remodèle les rapports entre l’État et le marché.

Les chocs pétroliers et le retour du chômage, source d’exclusion, incitent à créer un nouveau mode de développement économique.

C’est la naissance du commerce équitable et des circuits courts de production.

Ce courant a été institutionnalisé par la loi ESS du 31 juillet 2014.

Cette loi constitue un tournant dans l’histoire institutionnelle de l’économie sociale et solidaire. Portée par Benoît Hamon, alors ministre délégué à l’ESS, l’État français reconnaît qu’il existe une autre manière d’entreprendre collectivement. Toutes les entreprises commerciales qui développent des activités d’utilité sociale, entrent alors dans le champ de l’ESS.

Elle regroupe de nombreux acteurs (associations, coopératives, entreprises) cherchant à concilier utilité sociale, solidarités, performance économique et gouvernance démocratique. L’objectif est de créer des emplois en développant une plus grande cohésion sociale et en répondant à des besoins d’intérêt général.

La loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, a des répercussions directes sur l’économie sociale et solidaire. Confiant aux régions la compétence économique, elle impose à celles-ci d’inscrire un volet ESS dans leur plan de développement économique.

Chaque année en novembre, plus de 2 000 événements sont organisés dans toute la France pendant le mois de l’économie sociale et solidaire. L’occasion de découvrir les nombreuses initiatives du secteur.

Dans un monde en profonde mutation, crise politique, crise économique, crise écologique et plus récemment crise sanitaire avec la pandémie de Covid 19, l’économie sociale conserve toute sa place. Services à la personne, culture, sport, insertion, développement durable, entreprenariat, l’économie sociale et solidaire (ESS) constitue une source permanente d’innovation sociale.